Toulouse et Barcelone s’éloignent

Il y a quelques jours, RENFE-SNCF a présenté fièrement son Service Annuel 2022 (SA2022) en annonçant une augmentation de l’offre. Une présentation reprise par la presse locale en mode publi-reportage sans aucune analyse de fond… En effet, pas une seule ligne, pas une seule réaction sur une évolution très fâcheuse à savoir la suppression de la liaison Toulouse-Barcelone!

Retour en arrière

Dès le début, les relations entre les capitales Occitane et Catalane ont été compliquées. Il a fallu attendre décembre 2013 pour voir les premières liaisons à grande vitesse directes vers l’Espagne grâce à la mise en service de la LGV Perpignan-Figueras et de son tunnel du Perthus. L’offre se présentait alors sous cette forme: 2 Paris-Barcelone, 1 Lyon-Barcelone, 1 Marseille-Madrid et 1 Toulouse-Barcelone. Dans le cas de la ville rose, les choses ont tout de suite mal démarré avec un départ à 20h24 (soit une arrivée à 23h26) et un retour à 10h24 (13h31 à Toulouse). La fréquentation fut naturellement catastrophique et ce n’est qu’au bout d’un an que les horaires changent avec un aller 8h-11h27 et un retour 18h30-21h46. Restait encore un problème, le prix. Avec un billet de 39€ minimum à son lancement, l’engouement ne s’est pas fait sentir. Il aura fallu attendre 2018 pour avoir enfin un alignement sur les autres TGV internationaux avec un prix de départ de 29€!

TGV venant de quitter le tunnel du Perthus en direction de Perpignan Josep

Mais le mal est déjà fait. Les chiffres ne sont pas bons et Renfe-Sncf décide dès 2016 de supprimer la liaison en basse saison d’avril à septembre. L’utilisation de rames Duplex n’y change rien, en 2017 la fréquentation de l’axe Toulouse-Barcelone est de 55.250 voyageurs (ce qui n’est pas non plus catastrophique au vue de l’offre)… À cela s’ajoutent deux mauvais points qui pèsent sur la fréquentation avec d’une part un seul aller-retour qui n’est adapté qu’aux Toulousains mais pas aux Barcelonais, et d’autre part un trajet très court contrairement à Marseille, Lyon et Paris, ce qui ne permet pas la desserte d’un bassin de population important.

https://www.elperiodico.com/es/ext_resources/infographics/2021/octubre/trenes-alta-velocidad-espana-francia-tgv-renfe-sncf.png
Le SA2022 prévu par RENFE-SNCF, sans la brache de Toulouse…

Le potentiel est pourtant là, que ce soit d’un point de vue économique ou touristique. Plutôt qu’une suppression, les deux capitales régionales nécessitent au moins deux allers-retours, l’un adapté aux Français, l’autre aux Espagnols. L’ancien président de la région Martin Malvy souhaitait d’ailleurs passer à 3 allers-retours. Une liaison qu’il serait bon de prolonger jusqu’à Bordeaux pour renforcer le bassin de population desservit. Enfin pour renforcer l’attractivité de la ligne, il faut bien sûr cesser l’interruption en basse saison chaque année, ou a minima conserver les weekends.

Quel avenir?

Si RENFE-SNCF n’a pas conscience de l’intérêt de mieux relier les deux régions, la Généralité de Catalogne compte bien faire évoluer la situation. D’autant plus que fin 2022, le contrat entre les deux entreprises publiques cessera. Avec l’ouverture à la concurrence dans les deux pays, difficile de savoir si la SNCF et la RENFE voudront continuer à être allié sur cette offre sachant la bataille qui est en cours entre elles sur Madrid-Barcelone et bientôt Paris-Lyon. C’est la raison pour laquelle le gouvernement Catalan souhaite remettre les cartes sur table en créant un service régional de navette à grande vitesse. L’idée: relier Lérida, Tarragone, Barcelone, Gérone, Perpignan, Montpellier et Toulouse avec une offre cadencée toutes les 2h environ avec 6 allers-retours par jour vers Toulouse et 6 allers-retours vers Montpellier, soit 24 trains entre Barcelone et Perpignan. De quoi renforcer le trafic du tunnel international qui souffre d’une faible fréquentation ayant entraîné la faillite de la société TP Ferro. Ce service, pensé dans le cadre de l’ouverture à la concurrence dans les deux pays, serait exploité soit par un opérateur public, soit privé.

Plan de l’hypothétique service à grande vitesse entre Occitanie et Catalogne

L’objectif est d’offrir une offre de transport rapide et compétitive face à la voiture et l’avion entre les deux régions. Toulouse et Montpellier gagneraient notamment un accès direct à l’aéroport de Gérone où un grand plan de développement est en cours pour faire face à la saturation de celui de Barcelone avec notamment la construction d’une halte TGV d’ici 2026, tandis qu’un projet de mise à écartement standard de la voie vers celui de Barcelone est en cours de réflexion. Un argument de poids quand on sait que la SNCF se refuse à donner à la ville rose un accès à l’aéroport Charles De Gaulle dans le cadre d’une liaison Toulouse-Lille. Ce service nécessiterait un investissement annuel de 3,94M€ pour pallier le déficit au moment du lancement mais qui selon le gouvernement Catalan deviendrait bénéficiaire au bout de 3 ou 4 ans avec à la clef 3,79 millions de voyageurs par an.

AVE quittant la capitale Catalane en direction de Marseille Aleix Cortés

La Catalogne a déjà créé une filiale, FGC Mobilitat, pour opérer ce service et a réaffirmé son intention très récemment. De son côté l’Occitanie est malheureusement très (trop) discrète. Après n’avoir jamais évoqué ce projet, il n’y a eu aucune réaction à la suppression de la liaison Toulouse-Barcelone. La région aurait tout intérêt à participer à ce rapprochement qui serait positif économiquement, touristiquement et culturellement. À ce jour, l’Occitanie finance le train de nuit Paris-Portbou à hauteur de 1,4M€/an. Avec la reprise en main du sujet des trains de nuit par l’État, il serait souhaitable de rediriger ces crédits vers la création de ce service de navettes à grande vitesse.

Les alternatives

En dehors de la grande vitesse, le rapprochement de la Catalogne et de l’Occitanie n’avance pas vraiment non plus. Sur le transpyrénéen, si les correspondances sont de retour après des décennies d’absence, il n’y a toujours aucune vraie dynamique de mise en valeur de la liaison. L’achat de billet est toujours impossible, pire, les trains espagnols ont disparu de l’application SNCF. Aucune évocation non plus du prolongement des TER vers Puigcerdà. Du côté du littoral, si le projet de pose d’un troisième rail semble lancé pour la décennie à venir, il n’y a aucune prise en compte de la dimension voyageur pour l’établissement d’un train du quotidien transfrontalier entre Perpignan, Portbou et Gérone. C’est à se demander à quoi sert l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée si au bout il y a toujours autant de difficulté à se déplacer entre nos deux régions…

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Tableau d’affichage en gare de Latour-de-Carol indiquant les trains vers Toulouse et Barcelone Kev

Source:

Photo d’illustration

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